Vous lui demandez l’heure de vol Paris – Londres. Il vous parle d’un aller simple en OuiGO pour Lourdes. Vous l’interrogez sur la vie de Victor Hugo. Il vous cite des faits attribués à Molière. Oui, l’Intelligence artificielle, parfois, hallucine.
Et non, ce n’est pas une figure de style.
C’est un vrai phénomène, aussi fascinant qu’inquiétant, qui soulève une question cruciale : peut-on vraiment faire confiance à une intelligence artificielle… quand elle a tendance à inventer la réalité ?
Bienvenue dans l’univers troublant des hallucinations IA.
Halluciner, c’est quoi au juste pour une IA ?
Dans le jargon de l’IA, une hallucination ne désigne pas une vision fantasmagorique ou un bug informatique. C’est une réponse fausse, incohérente ou complètement inventée, mais formulée avec une assurance de ministre.
Ce n’est pas une panne. Ce n’est pas un crash. C’est une suite de mots qui a l’air plausible… mais qui ne repose sur rien de vrai.
Vous demandez à ChatGPT si un contrat signé par mail a une valeur légale. Il vous répond « non, seule une signature manuscrite fait foi ».
Ce qui est faux dans la majorité des cas en droit français. L’IA semble s’être appuyée sur une vieille légende urbaine juridique… plutôt que sur le Code civil.
Il arrive même que certain professionnel du droit donne un peu trop de leur confiance à ChatGPT :
Et c’est là le cœur du problème : une IA peut générer une énormité, sans cligner des yeux – tout simplement parce qu’elle ne comprend pas ce qu’elle dit.
Pourquoi les IA hallucinent-elles ?
Il existe trois raisons principales pour lesquelles les IA hallucinent :
1. Parce que leurs données d’entraînement ne sont pas parfaites
Les IA comme ChatGPT, Claude ou Gemini sont formées à partir de milliards de mots trouvés sur Internet. Or, tout ce qu’on trouve sur le web n’est pas fiable. Blagues, approximations, fake news, vieux articles périmés… tout y passe.
Et comme une IA fonctionne sur un principe de probabilité (elle prédit le mot le plus « logique » à ajouter), elle peut très bien se baser sur un contenu absurde… et en faire une réponse parfaitement formulée.
2. Parce qu’elles n’ont pas de conscience de vérité
Une IA ne sait pas ce qui est vrai. Elle ne vérifie pas. Elle ne comprend pas le monde.
L’IA génère simplement le texte le plus probable, selon le contexte donné. C’est une machine statistique, pas une encyclopédie.
3. Parce que leur objectif est la fluidité, pas l’exactitude
Le but d’un modèle de langage n’est pas de dire vrai. C’est de produire du texte fluide, cohérent, naturel.
Et ça change tout. L’IA privilégiera une tournure élégante à une vérité brute. Quitte à inventer.
Ajoutez à cela un facteur technique appelé “température” (un paramètre qui rend l’IA plus ou moins créative), et vous comprenez pourquoi certains prompts produisent des réponses très fantaisistes.
Les différents types d’hallucinations des IA
Toutes les erreurs ne se valent pas. Il existe, dans le monde des intelligences artificielles, une typologie aussi diverse que surprenante des « plantages » possibles.
On peut les classer en quatre grandes familles, chacune avec sa logique, ses effets secondaires et parfois même… une forme de poésie involontaire.
Prenons d’abord l’erreur factuelle.
C’est la plus simple à détecter, mais pas forcément la moins problématique. L’IA affirme quelque chose avec aplomb, alors que c’est totalement faux.
Vous pourriez lire dans une biographie de Napoléon qu’il apprend a été le premier président des États-Unis.
C’est absurde, évidemment. Et pourtant, c’est le genre de réponse qu’un modèle mal cadré peut générer.
Ensuite, vient la contradiction interne.
Vous lisez un paragraphe où l’IA affirme noir sur blanc que « le ciel est bleu aujourd’hui », puis deux lignes plus loin que « le ciel est d’un vert profond ce matin ». Une incohérence qui ne saute pas forcément aux yeux à la première lecture, mais qui trahit un manque de continuité dans la génération du texte.
Il y a aussi la réponse hors sujet.
Celle-ci surgit souvent lorsque le prompt initial est flou, ou mal formulé. Vous demandez un résumé du film « Inception » et obtenez une analyse sur les thématiques du rêve chez Freud. Le lien est subtil, mais clairement pas ce que vous attendiez.
Et puis, il y a l’absurdité fluide.
C’est peut-être la plus troublante, car elle sonne juste… jusqu’à ce que vous réalisiez qu’elle est complètement déconnectée de la réalité.
L’exemple emblématique ? Demandez dans quels clubs a évolué Zinédine Zidane. L’IA pourra vous répondre l’OM puisqu’il est originaire de la cité phocéenne. Dans les faits, Zizou n’a jamais porté le maillot marseillais.
Faut-il avoir peur des hallucinations ?
Disons plutôt : faut-il les ignorer ? Certainement pas.
Dans certains domaines – santé, droit, finance – une erreur peut avoir de lourdes conséquences. Une IA qui vous propose un traitement médical basé sur une hallucination, ce n’est pas « rigolo », c’est dangereux.
Mais dans d’autres contextes, les hallucinations peuvent aussi révéler un potentiel créatif insoupçonné. Certains chercheurs en biotechnologie s’en servent même pour concevoir de nouvelles molécules – en laissant volontairement l’IA « imaginer » des combinaisons inédites.
En fait, tout est question d’usage. De contexte. D’encadrement.
Peut-on éviter les hallucinations ?
La réponse courte : pas complètement. Mais on peut limiter les dégâts. Voici quelques principes fondamentaux :
Utiliser la méthode RCT (Rôle, Contexte, Tâche)
C’est LA méthode qui permet d’encadrer l’IA pour maximiser la pertinence des réponses. Vous la connaissez peut-être déjà si vous avez suivi certaines de nos formations ou tutoriels. Elle repose sur trois éléments clés :
- Rôle : indiquez à l’IA quel rôle elle doit jouer (ex. : expert en fiscalité, professeur de physique, conseiller RH…).
- Contexte : donnez-lui un maximum d’informations utiles.
- Tâche : dites clairement ce que vous attendez d’elle.
C’est simple. Mais redoutablement efficace. Pour en savoir plus sur l’approche RCT (Rôle, Contexte, Tâche)
Poser plusieurs fois la même question (avec des variantes)
L’IA est sensible à la formulation. Une question tournée autrement peut produire une réponse plus exacte – ou plus fiable.
C’est un peu comme parler à un interlocuteur étranger : si votre première tentative ne passe pas, reformulez.
Parfois, il suffit de changer l’ordre des mots, d’apporter une précision ou de reformuler en langage plus courant pour obtenir une réponse tout à fait différente.
Cette approche fonctionne aussi bien pour vérifier la cohérence de l’IA que pour enrichir vos résultats. N’hésitez pas à creuser, tester, insister.
Baisser la température (quand la précision compte)
Le paramètre de « température » agit comme un curseur entre imagination et rigueur. Si vous l’augmentez, vous obtenez une IA plus créative, parfois plus originale… mais aussi plus sujette aux dérapages.
À l’inverse, abaisser cette température la pousse à rester factuelle, sobre, presque scolaire. Pour toutes les tâches où l’exactitude est essentielle (données, chiffres, faits historiques, procédures…), n’hésitez pas à choisir la voie froide. Cela réduira grandement les réponses à côté de la plaque.
Utiliser des outils de vérification intégrés
La bonne nouvelle, c’est que les outils évoluent. De plus en plus de modèles intègrent des bases de données externes ou des systèmes de « recherche augmentée » (RAG).
Cela signifie que l’IA va piocher dans des contenus validés pour construire sa réponse.
Bing Chat ou Perplexity AI, par exemple, proposent des citations claires et vérifiables. C’est un vrai atout, notamment dans des secteurs sensibles ou techniques.
Même avec ces outils, gardez l’habitude de remonter à la source : la transparence est votre meilleure alliée.
Relire et croiser les informations
Enfin, une règle d’or : relisez toujours. Comme pour un article de blog, une synthèse ou un mail important, une relecture attentive permet de repérer les incohérences.
Vous pouvez même demander à l’IA de relire sa propre réponse et de l’améliorer : « Reprends ta réponse et vérifie les faits » fonctionne étonnamment bien.
Et si vous avez un doute, interrogez plusieurs outils différents. Le croisement des réponses donne souvent un bon aperçu de la fiabilité du contenu généré.
Et si les hallucinations des IA étaient parfois utiles ?
Tout n’est pas à jeter dans les erreurs de l’IA.
AlphaGo – célèbre IA du jeu de Go – a un jour effectué un coup considéré comme une erreur monumentale.
Ce fameux « coup 37 » s’est révélé être un chef-d’œuvre stratégique. Ce n’était pas une hallucination… mais une rupture avec les schémas connus.
Certaines IA génératives, dans des contextes très encadrés, peuvent proposer des idées étonnantes, jamais envisagées par un humain. C’est le cas dans la recherche moléculaire, l’art, la musique ou même le marketing créatif.
En gros : parfois, sortir des clous peut mener à de vraies innovations.
Le vrai défi : distinguer l’absurde de l’avant-gardiste
En 2025, le problème n’est pas de supprimer toutes les erreurs. Il est d’apprendre à reconnaître les bonnes.
Certaines hallucinations sont inutiles, voire nuisibles. D’autres sont des éclairs de génie, nés de l’imprévisible.
Votre mission ? Développer une sorte de radar critique. Identifier ce qui mérite d’être creusé, ce qui doit être jeté, et ce qui peut devenir… une nouvelle piste.
Hallucination ≠ incompétence
ChatGPT, Bard ou Claude ne sont pas infaillibles. Et ils ne prétendent pas l’être. Ils sont puissants, oui. Mais ils n’ont pas de conscience. Pas de vérité interne. Juste des mots, bien alignés.
Ce n’est donc pas une raison pour les rejeter. C’est une invitation à mieux les utiliser. À les cadrer. À penser avec eux, mais pas à leur place.
Et la prochaine fois qu’une IA vous sert une réponse farfelue… ne la rejetez pas trop vite.
Demandez-vous simplement : est-ce une idiotie, ou une opportunité ?
J’ai toujours été commercial. J’ai perdu des heures à essayer de joindre mes prospects par téléphone et à assister à des RDV qui n’ont rien donné. Puis j’ai rencontré l’Inbound Marketing 🙂